En prélude à la journée internationale de la population, la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’Université d’État d’Haïti (UEH), à travers le Centre en Population et Développement (CEPODE), a organisé deux journées scientifiques dans ses locaux sur la migration le lundi 10 juillet 2023. Cette activité est inscrite dans le cadre de la diffusion, la vulgarisation des connaissances et du partage d’expériences du CEPODE. L’évènement s’est déroulé en présence du Vice-recteur à la recherche de l’UEH, le Dr Jacques BLAISE, des membres du Conseil de coordination de de la FASCH, en l’occurrence le coordonnateur, professeur Josué VAVAL, le responsable académique, professeur Jérôme Paul Eddy LACOSTE, la responsable des affaires administratives, professeure Nora BRUTUS ainsi que le chargé de projet du CEPODE, le professeur Hancy PIERRE. Plusieurs dizaines d’étudiants venant de différentes entités de l’UEH ont marqué leur présence à cette activité.
« Une réflexion sur la situation migratoire haïtienne (Nora BRUTUS), « Les violences faites aux femmes migrantes haïtiennes en République Dominicaine (Katia BONTE) », « La question de la régularisation du statut des immigrantes et immigrants haïtiens en République Dominicaine (Colette LESPINASSE) », « Musique et migration dans la Caraïbe (Frandy JASMIN) », « La migration des Haïtiennes et Haïtiens vers l’Amérique du Sud: La carte du Chili (Josué VAVAL) », « Enjeux stratégiques de l’intégration sociale de nouveaux arrivants « parolee » aux Etats-Unis d’Amérique : le cas des Haïtiens (Hancy PIERRE) », telles étaient les différentes interventions réalisées à cet événement.
Madame Colette LESPINASSE, militante pour le respect des droits des immigrants haïtiens en République Dominicaine a fait état des difficultés auxquelles nos compatriotes font face en territoire voisin dans la recherche de documents d’identité afin de pouvoir jouir de leurs droits. « La régularisation est un processus qui permet à un immigrant qui était dans une situation irrégulière d’avoir un papier légal afin de jouir de ses droits dans le pays d’accueil », a précisé Mme LESPINASSE dans son intervention. La militante des droits humains a responsabilisé l’Etat haïtien et les autorités dominicaines face au non-respect des droits des Haïtiens. « C’est l’Etat haïtien qui doit d’abord livrer des documents nécessaires aux immigrants et ensuite les autorités dominicaines ont pour devoir d’accorder d’autres documents à ces derniers pour leur permettre de rester sur le territoire », a-t-elle avancé.
Pour sa part, Madame Katia BONTE, Coordonnatrice du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) a décrit la mauvaise situation des femmes vivant en République dominicaine face aux violences qu’elles subissent dans leurs activités commerciales, domestiques et autres. « Les femmes haïtiennes vivant en république Dominicaines sont victimes de diverses catégories de violence : Physique, verbale, sexuelle », a-t-elle relaté. Madame Bonté a adressé pour cela des recommandations à l’Etats haïtien. « Nous demandons, en guise de recommandation à l’Etat haïtien, de mettre en œuvre des politiques migratoires afin qu’il y ait une meilleure gestion des immigrants haïtiens et créer des conditions favorables pour que les Haïtiens et Haïtiennes puissent vivre dans leur pays », a-t-elle recommandé.
Le professeur Josué VAVAL a, pour sa part, retracé dans son intervention l’histoire des Haïtiens qui émigrent en Amérique Latine notamment au Brésil et au Chili. « Au début du 20e siècle, jusque vers 2018, les Haïtiens émigrent de manière importante et continuent en Amérique Latine, particulièrement au Brésil et au Chili. Il est même concevable d’évoquer la notion de flux de migrants et de départ massive », a-t-il souligné.
Le Coordonnateur de la FASCH a, d’un autre côté, présenté les conséquences de la politique migratoire de l’ex-président du Chili, Sebastian Pinera, sur les flux migratoires vers ce pays. « La coalition de droite « Chile Vamos » conduite par Sebastian Pinera prônait une politique migratoire de fermeture pour des personnes qui viennent des pays de la région. Dans cette foulée, beaucoup d’Haïtiens en 2017, se sont rendus au Chili pour éviter de rester dehors si « Chile Vamos » arrivera au pouvoir », a-t-il révélé.
Réélu après son 1e mandat (2010-2014), Sebastian Pinera s’est illustré moins d’un mois après son arrivée au pouvoir. « Le 9 avril 2018, le président a pris des mesures administratives qui consistent à changer les règles en matière de migration. Désormais, il faut un visa de tourisme simple qui ne permet pas de pouvoir obtenir un permis de travail à posteriori », a précisé le professeur Vaval. Ajoutant : « La résidence temporaire pour des migrants qui sont déjà au Chili, n’est pas automatiquement renouvelable avec un contrat de travail, comme il était avant les mesures administratives, car après trois résidences temporaires, à la quatrième année le migrant a droit à une demande de résidence définitive, avant ces nouvelles mesures. On ajoute aussi le certificat de bonne vie et mœurs dans le lot des exigences, ce qui complique davantage la situation des Haïtiens qui ne peuvent pas le trouver à temps à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) en Haïti. Les mesures d’avril 2018, ont basculé des migrants haïtiens du Chili dans une précarité et une exploitation au travail sans précédent. Ils ont pris d’autres initiatives pour essayer de survivre ou de fuir à travers d’autres routes migratoires ».
De son côté, le professeur Hancy PERRE a clarifié la structure du programme « Humanitarian Parole » qui facilite les habitants de certains pays à entrer aux Etats-Unis. « Le programme Humanitarian parole est une mesure politique prise par l’administration Biden-Harris au mois de janvier 2023 en faveur des Cubains, Haïtiens, Nicaraguayens et Vénézuéliens pour leur permettre d’entrer aux Etats-Unis. C’est un programme de deux ans avec un quota de 30 000 voyageurs chaque mois », a-t-il relaté dans son intervention. Le professeur a donc rappelé dans les années antérieures d’autres programmes adoptés par les Etats-Unis pour faciliter les Cubains et les Haïtiens à fouler le sol américain. C’est le cas de « Refugee Education Assistance Act » en 1982, « Temporary provisional Statut (TPS) » en 1990 qui continue jusqu’à présent d’être renouvelé et « The Haitian Refugee Immigration Fairness Act (HRIFA) » en 1998. Le professeur Pierre a posé dans son intervention la problématique de la santé mentale et de l’intégration des nouveaux arrivants aux Etats-Unis.
Parallèlement aux exposés, une exposition-vente des revues du CEPODE a été organisée.