Le jeudi 10 décembre 2020, à l’occasion de la commémoration du 72ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’Université d’Etat d’Haïti, le Chapitre Haïtien de l’Association Internationale des Femmes Juges (CHAIFEJ) et l’ONG Terre des Hommes Suisse, ont conjointement organisé à l’Hôtel El Rancho un forum sur les droits des enfants en Haïti. Ce forum a réuni un public diversifié composé notamment d’étudiants et de responsables de l’Université d’Etat d’Haïti, de membres de plusieurs organisations évoluant dans le domaine de l’enfance, de représentants, entre autres, de l’Ecole de la Magistrature, de la Brigade de la Protection des Mineurs de la PNH et de certaines associations de magistrats.
Le forum était l’occasion pour les institutions partenaires de faire une plaidoirie pour le respect des droits de l’enfant, notamment le droit à la participation des enfants (Nécessité de prendre en compte l’opinion des enfants sur des actions les concernant); le droit à l’éducation (Obligation de garantir le droit à l’éducation des enfants même en période de trouble politique et autres); le droit à un environnement protecteur (Nécessité pour les écoles de sensibiliser sur la création d’un cadre de vie avec moins de menaces sur la vie des enfants);le bilinguisme (Obligation de respecter le droit linguistique des enfants); etc.
Dans la foulée, Madame Norah Jean-François a présenté sommairement la teneur du Guide sur la législation des enfants en Haïti. Ce guide, il faut le souligner, a vu le jour suite à l’engagement pris en 2018 par le CHAIFEJ dans le cadre d’un partenariat avec l’UEH et Terre des Hommes Suisse. A en croire la responsable du CHAIFEJ, ledit manuel est un outil de promotion et de protection des droit des enfants mis à la disposition des responsables d’école, du personnel enseignant, des cadres administratifs pour leur permettre d’agir de manière juste lorsqu’ils ont des enfants sur leur garde.
Interrogée sur le respect des droits de l’enfant en Haïti, la Juge Norah Jean-François pense que le constat est catastrophique. Pour étayer son affirmation, elle pointe du doigt la vulnérabilité des familles haïtiennes. « A l’heure actuelle les parents transmettent aux enfants que leur vulnérabilité. Les choses ne fonctionnent pas pour les familles. Si vous allez actuellement au niveau des prisons, les incarcérés sont en majorité des jeunes. Donc les familles sont disloquées, elles ont beaucoup de problèmes. On ne doit plus se pencher seulement sur les droits des enfants, il faut aussi consolider à nouveau les familles. Si les familles ne sont pas consolidées, rien ne marchera pour les enfants », a-t-elle avancée.
Plus loin, Madame Jean-François déplore qu’à l’heure actuelle certaines familles ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école, exercer le droit parental que leur confère l’Etat. « Ce sont les enfants qui se prennent en charge, en investissant les rues pour chercher à manger et trouver quelque chose pour apporter à la maison. Les parents en ce sens perdent toute leur autorité sur les enfants », a-t-elle regretté.
Madame Jean-Francois en a profité pour rappeler aux gens qui ont des enfants en domesticité chez eux qu’une loi de 2014 criminalise cette pratique comme traite des personnes. « Les punitions prévues dans cette loi sont très sévères, entre 7 à 15 ans de prison. Et quand il y a circonstance aggravante, c’est la prison à perpétuité », a-t-elle précisé.
Quant à Madame Guerty Aimé, coordonnatrice de l’ONG Terre des Hommes Suisse, elle a fustigé la question du droit des enfants en Haïti. « Si on regarde la situation des enfants en Haïti, surtout ceux en domesticité, c’est vraiment désagréable. Autant que cette situation perdure, notre bataille est loin d’être gagnée », a-t-elle fait remarquer. « Pour nous, au niveau de Terre des Hommes Suisse, les droits des enfants sont liés étroitement avec la situation politique, économique, sociale et culturelle du pays. En ce sens, nous voulons, par ce forum, rappeler que les droits des enfants font également partie des droits de l’homme. Les enfants ne constituent pas une minorité, mais plutôt une majorité. Autant que leurs droits ne sont pas respectés, le droit des Haïtiens est loin d’être respecté, a-t-elle poursuivi.
A l’issue du forum, à titre de consultation, un atelier de travail a eu lieu sur l’avant-projet de loi élaboré par le CHAIFEJ sur “l’enfance en danger”. L’ensemble des organisations et des personnalités présentes ont pris part activement à cet atelier et ont fait des recommandations pertinentes tant sur la forme, le style et le fond dudit document.