Note publique du Conseil de l’Université au sujet de l’enveloppe budgétaire allouée à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH)

Port-au-Prince, le 18 juin 2020.- Le Conseil de l’Université d’État d’Haïti (CUEH) constate avec étonnement la réduction de près de cent un millions de gourdes des crédits budgétaires alloués à ladite université dans le budget que le gouvernement vient d’adopter pour l’exercice 2019-2020. Cette décision intervient alors que les crédits alloués à l’UEH sont, depuis de nombreuses années, nettement insuffisants. Les plus hautes autorités concernées de l’Exécutif sont, à chaque nouvelle année fiscale, interpelées par les responsables de l’UEH qui, de manière inlassable, prennent le soin de leur soumettre l’argumentaire qui accompagne les besoins en financement, dans le cadre du processus de préparation du budget. Rien n’y est fait.

Pourtant, dans le dernier protocole d’accord signé en mai 2018 entre le gouvernement, représenté par le Premier Ministre d’alors, et l’UEH, représentée par le Recteur, à l’article 14, alinéa b, il est dit clairement que l’État s’engage « à déterminer un pourcentage adéquat du budget national pour le fonctionnement de l’Université d’État d’Haïti ». Dans ce protocole, le gouvernement a reconnu implicitement que le pourcentage du budget alloué à l’UEH était insuffisant et qu’il était nécessaire de l’augmenter. À la suite de ce protocole d’accord, le poids de l’enveloppe inscrite en faveur de l’UEH au projet de loi de finances initiale 2018-2019, non voté par le parlement, était de 1.15% du budget de l’État, ce qui représentait une légère amélioration par rapport à 2017-2018.

Pour l’exercice en cours (2019-2020), l’enveloppe allouée à l’UEH a diminué de 7.32% par rapport à l’exercice 2017-2018. L’institution se trouve, de ce fait, avec 100,809,835.00 de gourdes en moins par rapport aux deux exercices précédents. La faute à la crise sanitaire? Certainement pas puisque l’enveloppe budgétaire de l’État a augmenté de 36.43%. Le minimum aurait été de garder le pourcentage de 1.15% alloué à l’UEH au projet de loi de finances initiale déposé au parlement pour l’exercice précédent, dans le respect de l’esprit de l’accord. Mais, le pourcentage alloué à l’UEH est passé à seulement 0.64% dans le budget finalement adopté en Conseil des Ministres pour l’exercice 2019-2020. Cette situation est inacceptable car c’est la troisième réduction enregistrée par l’UEH dans le processus d’adoption d’un nouveau budget après la loi de finances rectificative 2017-2018.

Pour mémoire, rappelons les principaux engagements contenus dans le protocole d’accord :

–          la mise à disposition de l’UEH de ressources appropriées pour son fonctionnement et son développement. Rien que pour son niveau actuel de fonctionnement, les dettes cumulées à l’exercice 2017-2018 s’élèvent à plus de cent quinze millions (115,000,000.00) de gourdes, et les arriérés de salaire sur l’exercice 2018-2019, à environ vingt-six millions (26,000,000.00) de gourdes; en raison du caractère structurel de ces besoins de financement, le manque à gagner prévisionnel sur l’exercice 2019-2020, initialement estimé à au moins cinquante-deux millions (52,000,000.00) devrait augmenter du montant de 100,809,835.00 de gourdes déduit de son budget si les corrections appropriées ne sont pas opérées par l’Exécutif. Pour ce qui est de son développement, il passe, entre autres, par la construction de campus universitaires standards, capables de répondre de manière plus efficace à la forte demande d’enseignement supérieur et de réduire la fuite de cerveaux et de devises. Non seulement les moyens financiers nécessaires à la satisfaction de ces besoins ne sont pas mis à la disposition de l’UEH, mais aussi l’institution peine à obtenir la contrepartie exigée du Trésor public pour compléter les financements reçus de l’extérieur dans le cadre de la reconstruction de certains locaux détruits par le séisme du 12 janvier 2010, tels ceux de la FAMV, la FDS et l’ENS ;

–          l’octroi de conditions décentes de vie et de travail aux enseignants et aux membres du personnel administratif et technique;

–          l’amélioration de la condition étudiante, à travers notamment la mise en place de restaurants et bibliothèques universitaires, d’infrastructures sportives et culturelles, l’équipement des espaces universitaires de matériels informatiques/bureautiques et de connexion internet pour des activités académiques et de recherche ;

–          le renforcement et l’utilisation systématique des capacités et de l’expertise de l’UEH dans la conception et la mise en œuvre de politiques publiques pertinentes;

–          le financement du Plan stratégique de l’UEH.

À ces engagements formels de financement, non honorés, il convient d’ajouter d’autres besoins devenus urgents, surtout dans le contexte de crise sanitaire occasionnée par COVID-19 : mise en place d’une plateforme de formation à distance, de mesures barrières contre la propagation du virus, développement de programmes de recherche relatifs à la médecine traditionnelle etc. Un projet de formation à distance a été récemment soumis au Ministère de l’Économie et des Finances (MEF).

La quasi-totalité de ces points, relatifs aux besoins de financement de l’UEH, ont été l’objet d’une déclaration publique du Conseil de l’Université, le 25 janvier 2020. Ils ont été discutés à l’occasion d’une rencontre au Rectorat, le 20 février dernier, entre des responsables de ladite Université et le Premier Ministre Joseph JOUTHE, alors Ministre de l’Économie et des Finances. Au cours de cette rencontre, M. Jouthe s’était fermement engagé à prendre en compte la plupart de ces besoins urgents, notamment à partir du budget 2019-2020.

Le Conseil de l’Université est donc au comble de l’étonnement de constater qu’au lieu de prendre en compte ces besoins, le pouvoir exécutif a diminué les crédits, déjà insuffisants, pour un fonctionnement minimal de l’institution, à un point tel que chaque année des dettes sont enregistrées aussi bien envers le personnel enseignant que des entreprises qui fournissent à l’UEH des services indispensables à son fonctionnement.

Le Conseil de l’Université croit que cette situation malheureuse est le résultat d’une mauvaise appréciation par les autorités gouvernementales du rôle de l’UEH dans le développement du pays. Il est prêt à les rencontrer autant de fois que ce sera nécessaire pour changer cette perception. En particulier, les diplômés de l’UEH, dont ceux déjà présents dans l’administration publique haïtienne, peuvent être au cœur d’une politique de relance de la production nationale si on leur donne la capacité d’être les créateurs des entreprises de demain qui, seules, peuvent nous permettre de sortir de la spirale infernale du chômage endémique qui gangrène notre société. Il demeure convaincu que les mécanismes appropriés seront utilisés par les autorités concernées (le Président de la République, le Premier Ministre, le Ministre de l’Économie et des Finances, le Ministre de la Planification et de la Coopération Externe) pour faire opérer les corrections nécessaires afin d’honorer leurs promesses et permettre à l’institution de mieux remplir ses missions envers la communauté, par la prise en compte de la proposition de budget 2019-2020 qui a été acheminée au MEF, en attendant le budget 2020-2021 dans lequel l’Université d’État d’Haïti réclame une allocation budgétaire équivalant à  au moins 1.5% du budget de l’État.

Suivent les signatures des membres du Conseil de l’Université (CU) :

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